De l'autre côté
Film allemand de Fatih Akin – 2h02 - avec Baki Davrak, Patrycia Ziolkowska
Cinéaste allemand d’origine turque, unanimement adopté par la planète cinéphile depuis son fameux Head On (Ours d’or de la Berlinade 2003), Fatih Akin confirme avec De l’autre côté le talent proprement scénographique dont il est doué. Pas un seul plan inutile, une fluidité de récit exemplaire, un œil tout-puissant sur les paysages naturels comme sur les décors urbains et, peut-être par dessus tout, un superbe génie de la direction d’acteurs. À ce stade, impossible de ne pas louer la totalité du casting. Politique, universel et à bien des égards philosophique, le film de Fatih Akin distille, avec une redoutable efficacité ses messages d’alerte aux deux sociétés turque et allemande comme au monde entier.
La prostitution, l’éducation, la littérature, l’amour, le pardon, la bienveillance sont les sujets transparents mais bien réels du cinéaste ; il en irrigue son film de part en part, jusqu’à lui donner la consistance d’une leçon de vie impérissable.
Libération.
La Vie des autres
Film allemand de Florian Henckel Von Donnersmarck - 2 h 17 – avec Ulrich Mühe, Ulrich Tukur, Martina Gedeck, Sébastien Koch
Le scénario pourrait sembler enfoncer les portes ouvertes de l’anticommunisme primaire, mais l’étude psychologique est suffisamment fouillée pour que les choses soient autrement complexes. Ce d’autant plus que, à vivre tapi dans l’intimité des artistes, le flic va se rapprocher de ces derniers jusqu’à douter du bien-fondé de sa mission. Sert-il le socialisme ou sert-il les intérêts privés d’un apparatchik, sans que le conflit privé élude pour autant le statut d’apparatchik dans cette société qui se voulait meilleure ?
C’est un mélodrame politique d’une grande hauteur de vue qui nous est proposé. L’interprétation y est d’une dignité exemplaire et le filmage en écran large d’une précision qui force l’admiration, Costa-Gavras, plus la retenue si l’on veut. Florian Henckel Von Donnersmarck est un nom qu’il va falloir nous forcer à retenir.
L’Humanité
Désir[s]
Film allemand de Valeska Grisebach -1h28 - avec Andreas Müller, Ilka Welz
Sehnsucht se présente comme une vraie belle surprise. Sa réalisatrice, Valeska Grisebach, pas même la quarantaine, et dont c'est là le deuxième film, possède une force de caractère hallucinante.
Le style de Valeska Grisebach est sec, mais elle sait lui donner de l'oxygène, lorsque, régulièrement, elle se sert d'une chanson avec un talent monstre. Il faut voir ainsi son héros danser sur Robbie Williams et devenir tout à coup très beau pour comprendre que le film va offrir à chacun des trois personnages une chance d'exister pleinement à l'image. C'est quoi, alors, un bon film allemand ? Un film comme celui-ci, un film dans lequel le cinéma n'étouffe pas.
Libération
Montag
Film allemand d'Ulrich Köhler - 1 h 28 - avec Isabelle Menke, Hans-Jochen Wagner, Amber Bongard.
Les fenêtres arrivent lundi : tel est le titre intégral de ce film, signé du jeune cinéaste allemand Ulrich Köhler, qu'il aurait fallu non seulement respecter, mais encore traduire dans notre langue.
Montag confirme donc tout le talent qu'avait démontré Ulrich Köhler dans son premier long métrage, Bungalow, titre majeur de l'embellie de ce jeune cinéma allemand qui fait renaître une cinéphilie bien mal en point.
Le récit de ce couple en crise est aussi bien celui de la confrontation du film à une modernité cinématographique qui fait de la dislocation du couple un de ses motifs de prédilection. Montag regarde ainsi fortement du côté d'Antonioni, dont il remet sur le métier l'inquiétude humaniste, comme transformée un demi-siècle plus tard en effroi sur le territoire désertique de l'Allemagne réunifiée.
Le Monde
Requiem
Film allemand de Hans-Christian Schmid -1h33 - avec Sandra Hüller, Burghart Klaussner
Attention : histoire vraie. Film douloureux mais jamais souffreteux, Requiem amène le spectateur dans les pages d’une liturgie en double temps. Le réalisateur allemand laisse transpercer un portrait d’époque (les 70’s) tout en grisaille et non-dits. L’oppression de la religion catholique, le refoulement de la liberté individuelle et de la sexualité percent peu à peu la surface de la normalité de Michaela qui, lors de ses crises d’épilepsie, entend des voix et se croit sous l’emprise des forces maléfiques. Ni pamphlet sur les forces obscurantistes à la Ken Loach (période Family Life) ni parabole cinglante à la Lars von Triers, Requiem est une radioscopie objective et intime mixant documentaire et expressionnisme exprimant une angoisse métaphysique qui doit moins au fantastique qu’au film politique.
Lyon Poche
Lucy
Film allemand de Henner Winckler -1h32 – avec Kim Schnitze, Gordon Schmidt, Feo Aladag
Lors du festival de Berlin, ce deuxième long métrage de l’Allemand Henner Winckler (après Voyage scolaire) a confirmé, parmi d’autres films aigus et troublants, la vitalité d’une nouvelle vague locale étiquetée « école de Berlin ». Ce courant frappe par une absence totale de tricherie comme de forfanterie quant à la forme, et sonde l’intimité obscure des couples et des familles. La démarche s’accorde particulièrement au nouveau Berlin-Est, où évolue Maggy entre sa mère (elle aussi célibataire et encore jeune) et un bébé, Lucy, dont la venue a mis un terme à ses études.
C’est le tourniquet des émotions et des envies, la valse des illusions, où chaque avancée se solde presque aussitôt par l’apparition d’un nouveau manque. Mais ce mélodrame existentiel, nonchalant comme sa frêle héroïne, refuse de dériver en chronique sans fin.
Contre la facilité du surplace réaliste, de l’entre-deux qui sonne juste, Lucy dessine vaillamment un trajet et ose une certitude.
Télérama
Pingpong
Film allemand de Matthias Luthardt – 1h29 – avec Sebastian Urzendowsky, Marion Mitterhammer, Clemens Berg, Falk Rockstroh
Matthias Luthardt porte un point de vue clinique, digne d’un entomologiste, sur cette cellule familiale au bord de l’implosion. Refusant systématiquement l’émotion, la caméra se tient à distance respectable des personnages. Du coup, comme chez Michael Haneke à qui l’on songe souvent, le regard du jeune cinéaste fouille les êtres jusqu’à l’intime. À cela près que le metteur en scène autrichien n’aime rien tant que confronter ses protagonistes à des situations extrêmes, tandis que Luthardt opte pour une violence plus feutrée, mais tout aussi dévastatrice.
La sécheresse de la narration, conjuguée à la quasi-absence de musique (hormis les scènes de piano) , ajoutent encore à la force implacable du huis clos. Un premier long métrage particulièrement prometteur.
Positif
Cours Lola cours
Film allemand de Tom Tykwer – 1h21 - avec Franka Potente, Moritz Bleibtreu, Herbert Knaup
Cours Lola cours est un film qui sort de l'ordinaire. En fait, chaque séquence débute sur un « Et si... ».
Lola, le personnage principal, passe presque tout le temps du film à courir, et quand elle ne court pas, la vitesse du film ne ralentit pas pour autant. Le film ressemble presque à un clip vidéo. C'est flashy : Lola a les cheveux rouge vif ! C'est rapide, les plans de caméra se succèdent les uns aux autres à une vitesse effrénée durant tout le film. La musique techno est omniprésente. Pendant que Lola court, il n'y a pas de dialogues, juste de la musique. Enfin, l'action se passe à Berlin, la ville de la Love Parade, réputée pour ce genre de musique.
Cours Lola cours est l'un des films allemands les plus importants des années 1990.
Samedi 20, entre les deux films
Conférence de Daniel Sauvaget
Critique de cinéma et enseignant à Paris 3-Sorbonne Nouvelle - Auteur de Les Grands
Réalisateurs, en collaboration avec Jean Gili, Charles Tesson et Christian Viviani,
auteur d’études sur Kluge, Schlöndorff, Kotulla, Syberberg, Fassbinder...
collaborateur du Dictionnaire Larousse du Cinéma et d'Encyclopaedia Universalis et
auteur du chapitre cinéma d’Allemagne, peuple et culture (la Découverte, 2005)
Et buffet allemand